Page actualisée et vérifiée le 19 mars 2024

La relation avec la personne protégée pour la protection de sa personne

En bref

Grande innovation de la réforme de 2009, la protection de la personne majeure protégée est reconnue à part entière. Si ce mandat de protection vous est confié, il doit faire partie de vos obligations, au même titre que la protection de ses biens (*).

La protection de la personne consiste essentiellement à la protéger de sa vulnérabilité (celle qui l'exposerait, par ses choix, à se mettre en difficulté, voire en danger, sur un plan personnel, tant au niveau corporel que psychologique). Mais aussi, la protéger de tiers mal-intentionnés qui abuseraient de sa fragilité sur un plan physique et/ou psychique.

La protection de la personne consiste également à ce que vous soyez le garant de ses droits définis dans la charte des droits et libertés de la personne majeure protégée (par exemple, le droit d'aller et venir, d'entretenir des relations privées, de choisir son logement, de bénéficier de l'information nécessaire sur l'exercice de sa mesure de protection, d'exprimer des choix en matière de santé ou de droit à l'image...).

Cependant, la question de la protection de la personne est parfois "un art difficile" car la difficulté essentielle consiste à la protéger tout en lui permettant l'expression de ses souhaits et de sa volonté (ce qui peut parfois s'opposer et interroger la question de l'intérêt de la personne majeure protégée). Il est donc important que la relation que vous entretenez avec elle soit bienveillante et respectueuse de sa dignité.

Important : la protection de la personne peut se décliner, soit sous forme de représentation (avec des pouvoirs étendus), soit sous forme de conseil (la personne protégée étant libre de les suivre ou non).

A noter : ces principes et ces dispositions s’appliquent également en habilitation familiale.

(*) le juge des tutelle peut décider de vous confier uniquement un mandat protection des biens (soit parce que la personne protégée est suffisamment autonome pour gérer seule les questions relatives à sa personne ; soit parce qu'il confie le mandat de protection de la personne à un autre mandataire, par exemple, un co-tuteur ou un co-curateur).

 

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Pour en savoir plus

Généralités sur la relation avec la personne protégée (protection de sa personne)

Sortir des représentations anciennes

Dans l'imaginaire collectif, le tuteur est encore trop souvent associé à un détenteur de pouvoirs absolus.

"Mettre sous tutelle", ce serait "décider à la place" et réduire la personne sous tutelle à un sujet subalterne qui n'aurait pas son mot à dire.

L'ancien cadre réglementaire du 3 Janvier 1968 parlait d'ailleurs de "gestion en bon père de famille" du tuteur, ce qui dénotait une conception patriarcale de la fonction. Cette loi les qualifiait alors "d’incapables majeurs". Cet ancien contexte légal peut expliquer que ces deux représentations perdurent mais elles sont désormais obsolètes.

La loi du 5 Mars 2007 (appliquée depuis le 1er Janvier 2009) a supprimé ces deux notions. Il faut y voir une volonté clairement affichée du législateur de donner une vraie place à la personne majeure protégée. A savoir, la considérer toujours comme une personne adulte à part entière, malgré sa vulnérabilité et l'altération de ses facultés.

Certes, une mise sous protection entraîne des "incapacités" au sens juridique du terme (par exemple, ne plus pouvoir gérer seul son patrimoine).

Mais cette réduction de droits est compensée par l'octroi de nouveaux droits au titre de la protection de la personne.

Par exemple :

- bénéficier de conseils pour faire valoir ses intérêts personnels

- avoir la garantie que, malgré son handicap ou la maladie, l'expression de sa volonté soit au maximum préservée

- ou bien encore, empêcher que des tiers abusent de la situation de vulnérabilité.

Des droits strictement personnels sont énoncés dans la loi et ne peuvent faire l'objet d'une quelconque intervention du représentant légal (article 458 du Code Civil) : la déclaration de naissance d’un enfant, la reconnaissance d’un enfant, les actes liés à l’autorité parentale, la déclaration du choix ou du changement de nom d’un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant.

D'autres droits personnels sont précisés par ailleurs et sont soumis à un strict respect (sauf si la personne protégée se met clairement en danger) : le droit à la vie privée, le droit de choisir son lieu de résidence, le droit d'entretenir des relations selon son libre-arbitre, le droit de se marier ou de se pacser, le droit à disposer de son image, le droit à l'information, le droit à consentir aux actes médicaux, etc... 

La vision du tuteur "tout-puissant" est donc devenue, aujourd'hui, erronée et dépassée.

Mandat de protection juridique et bienveillance

Votre rôle de tuteur ou de curateur (voire de mandataire spécial dans le cadre d'une sauvegarde de justicene vous autorise, en aucun cas, à abuser d'un quelconque pouvoir sur la personne majeure protégée et d'enfreindre ses libertés individuelles.

C'est d'ailleurs aussi le cas dans le cadre des mandats d'habilitation familiale, d'habilitation entre époux ou des mandats de protection future pour soi ou pour autrui (si ces deux derniers sont activés).

Néanmoins, votre mandat vous donne des prérogatives qui vous permette d'avoir une autorité administrative dans la réalisation d'un certain nombre d'actes (afin de vérifier que la personne protégée ne lèse pas ses intérêts dans ses choix, ou que ceux-ci ne sont pas exprimés sous l'influence négative de tiers peu scrupuleux).

Cette autorité doit donc être utilisée de façon neutre et bienveillante, sans enjeux de pouvoirs.

Si l'on prend l'exemple du mariage, la réforme du 23 mars 2019 autorise désormais les personnes protégées à se marier sans avoir à obtenir l'accord préalable de leur curateur ou du juge (en tutelle). Le curateur ou le tuteur doivent être uniquement informés de façon préalable (article 460 du Code Civil). Ils peuvent, par exception, s'opposer au mariage s'ils considèrent que cette union peut porter préjudice aux intérêts de la personne protégée mais sans avoir à projeter leurs propres valeurs dans ce "droit de veto".

Cet exemple est tout à fait parlant des nuances à apporter entre un pouvoir excessif, que vous vous accorderiez, et une autorité légitime que vous pouvez faire valoir au regard des textes de loi. Il ne vous est pas demandé si le futur conjoint "vous convient" au titre d'un point de vue purement subjectif, mais seulement de vérifier que le mariage n'est pas "intéressé" et qu'il n'a pas pour objectif d'abuser de la vulnérabilité de la personne protégée.

Ainsi, il ne s'agit pas de décider de façon autoritaire (avec parfois un excès d'affects) mais de respecter, à chaque fois que cela est possible, le souhait de la personne protégée à partir du moment où ses intérêts matériels, physiques et moraux ne sont pas menacés (soit par ses propres choix, soit par l'attitude de tiers intéressés, voire les deux).

Si la volonté de la personne protégée ne la met pas en danger, vous n'avez pas à vous opposer à sa demande (en curatelleou ne pas la faire valoir, si besoin auprès du juge (en tutelle).

Malgré ces dispositions, si un litige apparaît, le juge des tutelles est là pour l'arbitrer (s'il est saisi). Ne manquez pas de rappeler ce droit fondamental à la personne protégée et de ne pas l'omettre dans l'exercice de votre mandat. A ce sujet, vous pouvez prendre connaissance de nos informations consacrés aux litiges en sauvegarde de justice, en curatelle et en tutelle (derniers paragraphes de chacune de ces pages).

Notre page sur les droits de la personne majeure protégée (en tant que personne) pourra également vous apporter d’autres informations sur ce sujet.

Un ensemble de textes sur la protection de la personne adulte

De nombreux textes (qu'ils relèvent du droit commun, du droit des usagers dans le secteur social et médico-social, ou du droit spécifique des personnes majeures protégées) sont là pour rappeler que toute personne, et a fortiori une personne majeure protégée, a des droits et des libertés fondamentales qui visent, entre autres, au respect inaliénable de sa dignité.

Droits communs 

Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (1789) article 1er 

Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (1948) articles 1 à 3

Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (1950) articles 1 à 14 notamment

Préambule de la 5ème République Française et article 1er

- Convention de La Haye sur la Protection Internationale des Adultes (13 janvier 2000)

Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne (7 décembre 2000) et notamment les articles 1er, 3, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 20, 25 et 26

Code Civil dans ses articles 9 et 16 (pour ne nommer qu'eux).

Droits du secteur social et médico-social 

- Loi 2002.2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale (articles L.116-1, L. 116-2 et L. 311-3 du Code de l'Action Sociale et des Familles)

Loi n° 2005-102 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Droits des personnes majeures protégées 

- Loi 2007.308 du 5 mars 2007 sur la protection des personnes majeures (en particulier, les articles 415, 457-1, 458 et 459 du Code Civil)

Charte des Droits et Libertés de la Personne Protégée .

Ne pas infantiliser la personne protégée

La personne protégée, une personne adulte à part entière

Le handicap, la maladie ou les troubles liées au vieillissement ne peuvent être, en aucun cas, des motifs d'infantilisation.

Le principe de devoir protéger la personne ne doit pas empêcher celui de l'autoriser, dans le même temps, à pouvoir être autonome, et donc de pouvoir choisir, à chaque fois que cela est possible.

N'oubliez pas qu'une personne vulnérable est un être fragilisé, qui plus est, si elle est sous protection juridique (donc avec une altération médicalement constatée de ses facultés).

Elle n'en demeure pas moins une personne adulte et majeure.

Pour peu que la personne ait vécu une existence normale avant de connaître des difficultés, elle peut encore avoir conscience de ce qu'il ne lui est plus possible de faire seule. Elle pourra souvent en éprouver une souffrance psychologique.

De même, pour une personne en situation de handicap psychique, physique ou intellectuel, le regard qu'elle aura sur elle-même et celui qu'elle percevra des autres (à travers une certaine forme "d'anormalité"), pourra également entraîner des formes de souffrances, voire de comportements agressifs.

Pour ces raisons, ne rajoutez pas à la difficulté que génère le handicap et la maladie (à laquelle se rajoute parfois une mesure de protection juridique parfois mal acceptée), une autre difficulté, celle qui entraînerait, de votre part, une posture relationnelle inappropriée.

La nécessité pour le mandataire d’avoir une posture adaptée

Des propos excessivement autoritaires, voire dévalorisants ou jugeants, ne sont pas compatibles avec l'exercice d'une mesure de protection.

Par exemple, utiliser le terme "d'argent de poche" pour une personne adulte (pour qualifier l'argent versé) est totalement inadapté (on utilise ce terme pour des enfants). Ou encore, apposer un refus sans explication ou de façon arbitraire (par exemple, s'opposer à une demande de supplément d'argent alors que le budget de la personne protégée le permet) constitue clairement un abus de pouvoir.

Vous avez, outre l'obligation de reverser les excédents d'argent en curatelle, une obligation d'information sur votre gestion, notamment à partir d'explications données à la personne protégée sur son budget mensuel prévisionnel. Si, par exemple, la personne sollicite un versement d'argent ou souhaite un achat qui pose objectivement des difficultés financières, donnez- lui-en les raisons et envisagez avec elle les possibilités de différer cette demande, pour la réapprécier plus tard quand ses moyens lui permettront.

Faites preuve d'empathie. Mettez-vous à la place de la personne majeure protégée dans la compréhension de ses réactions.

Ne perdez pas de vue que la situation de mise sous sauvegarde de justice, de curatelle ou de tutelle crée un lien de dépendance vis-vis de la personne qui exerce le mandat de protection. Le représentant légal devient un interlocuteur obligé et incontournable. Il est nécessaire de passer par lui pour obtenir un certain nombre de choses. Certaines personnes pourront le vivre de façon humiliante, d'autres auront des difficultés à formuler des demandes, certains relativiserons davantage cette contrainte.

La qualité de la communication et la confiance que vous saurez instaurer dans la relation avec la personne protégée sera déterminante pour un bon déroulement de la protection de ses intérêts. Également, la posture relationnelle que vous aurez, si elle sait générer de l'écoute et un respect réciproque.

En résumé, vous vous adressez à une personne majeure, certes majeure protégée, mais prioritairement majeure.

 

Favoriser l'autonomie de la personne protégée

Autonomie et personne majeure protégée

On peut définir l'autonomie comme la capacité à agir seul, de façon libre et responsable

Une personne majeure protégée, du fait de l’altération de ses capacités, a une autonomie moindre. 

Cependant, la mesure de protection ne doit pas faire obstacle aux capacités d’autonomie encore existantes. Elle doit les favoriser et les encourager, si l’état de santé de la personne protégée le permet.

La loi est claire à se sujet (article 415 du Code Civil) : la mesure de protection " a pour finalité l'intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci".

En d'autres termes, vous avez l'obligation de ne pas vous arrêter à ce que ne peut plus faire la personne protégée (ou à ce qu'elle n'a jamais pu réaliser s'il s'agit d'un handicap ancien).

Encourager l’autonomie de la personne majeure protégée

Vous devez prendre en compte ce qu'elle peut encore faire, ou ce qu’elle pourrait davantage faire, en la motivant, si cela est envisageable. On peut illustrer ce propos dans le fait de "voir le verre à moitié vide ou à moitié plein". Certes, la personne protégée ne peut pas (ou plus) faire un certain nombre de choses seule mais, en contrepartie, elle est capable de réaliser tel ou tel acte sans aide particulière.

En matière de handicap, nos approches culturelles nous amènent souvent à faire des constats négatifs. C'est souvent le cas quand il s'agit, par exemple, d'un parent vieillissant qui a perdu, en partie, ses capacités d'autonomie (le souvenir de ses capacités perdues nous conduisent souvent à en rester à ce constat).

Néanmoins, l'inversion de notre regard à l'intérêt d'être plus gratifiant pour la personne, d'autant plus si on le lui exprime. Ce regard différent peut autoriser la mise en place de modalités plus importantes d'autonomie dans la vie quotidienne, voire dans la projection de l'avenir (si, bien sûr, l'état de santé de la personne le permet).

Vous devez avoir cette préoccupation de favoriser l’autonomie de la personne majeure protégée, à chaque fois que cela est possible.

N’hésitez pas à la valoriser afin qu’elle puisse être à l'initiative dans certains domaines ou qu'elle réalise d'elle-même des démarches avec vos conseils (par exemple, pour son suivi médical ou pour ses souhaits en matière de loisirs).

Dans certaines situations, la recherche de l'autonomie peut conduire à un allègement de la mesure, voire à sa mainlevée. 

Favorisez ces possibilités si elles sont envisageables (par exemple, en proposant à la personne de faire davantage de démarches seule ou en lui versant de l'argent sur des montants plus importants et sur des périodes plus longues). 

Et si le maintien de la mesure de protection, dans son état, reste nécessaire, encouragez cet objectif d'autonomie dans ce cadre protégé.

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