Page actualisée et vérifiée le 3 octobre 2023

La décision du juge des tutelles

En bref

La décision du juge des tutelles doit prendre en compte toutes les particularités de la situation de la personne à protéger afin de déterminer le régime de protection le mieux adapté (soit une mesure de sauvegarde de justice, soit une mesure de curatelle, soit une  mesure de tutelle).

Le juge a la possibilité de ne pas donner suite à une demande de mise sous protection juridique s'il considère qu'elle n'est pas suffisamment fondée.

Il peut également décider d'une mesure alternative (une habilitation entre époux ou une habilitation familiale).

S'il prononce une mesure de protection juridique, il a la possibilité de désigner un subrogé tuteur ou un subrogé curateur, un co-tuteur ou un co-curateur, ou encore, un conseil de famille (également, en cours d'exercice de la mesure, un tuteur ad hoc ou un curateur ad hoc).

A noter : lors de la révision d’une mesure de protection arrivant à son terme (cf. notre page sur la durée de la mesure de protection), ces mêmes dispositions s’appliquent.

 

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Pour en savoir plus

Les critères motivant la décision du juge des tutelles

Des critères précis pour le juge des tutelles

Le juge prend sa décision sur la base de trois critères (article 428 du Code Civil:

la nécessité : l'altération des capacités de la personne à protéger doit être clairement constatée sur un plan médical (par un médecin inscrit sur une liste du procureur de la République, au titre de l'article 425 du Code Civil).

la subsidiarité : les alternatives à une mise sous sauvegarde de justice, sous curatelle ou sous tutelle doivent être étudiées. Il s'agit alors de solutions moins contraignantes comme l'habilitation entre épouxl'habilitation familiale et la mesure d'accompagnement judiciaire (MAJ) qui s'inscrit dans le cadre des mesures à caractère social. Le juge des tutelles devra également vérifier si l'intéressé n'a pas prévu, par anticipation, sa protection juridique par le biais d'un mandat de protection future ou s'il s'agit d'un adulte en situation de handicap, un mandat de protection future pour autrui (prévu, par anticipation, par ses parents).

la proportionnalité : la situation personnelle de la personne à protéger, le niveau d'altération de ses facultés et son degré d'autonomie doivent faire l'objet d'une appréciation individualisée. Le type de mesure choisie doit donc être proportionnel (par exemple, décision d'une mesure de curatelle si le niveau de l'altération est modéré, décision d'une mesure de tutelle si la personne est dans l'incapacité de gérer ses affaires, même avec des conseils).

Particularité de la décision d’une mise sous sauvegarde de justice 

Le juge des tutelles prononce cette mesure :

- soit dans l'hypothèse d'une certaine urgence (par exemple, sur requête du procureur de la République)

- soit parce que le juge souhaite obtenir des informations complémentaires sur la situation de l'adulte vulnérable (tout en considérant qu'il est nécessaire de protéger dans l'immédiat, la personne vulnérable).

Dans ces deux hypothèses, il s’agit d’une mesure de protection temporaire, aux effets limités, dans l’attente, soit d’un rétablissement de la personne, soit du prononcé d'une mesure de tutelle ou de curatelle (plus exceptionnellement du prononcé d'une mesure alternative : habilitation familiale ou habilitation entre époux).

Le juge peut alors désigner un mandataire spécial qui sera chargé de diverses missions. Cela renforcera la protection de la personne et permettra au juge de mieux évaluer les capacités de celle-ci pour sa future décision (quand le mandataire spécial lui rendra compte des actions qu'il aura menées).

Une troisième hypothèse peut se présenter, celle de la sauvegarde de justice autonome. Elle est envisagée par le juge des tutelles quand la situation de la personne vulnérable ne nécessite pas de mesure de protection juridique mais que l'adulte vulnérable a besoin d'être assistée ou représentée pour un acte de disposition précis (avec désignation d'un mandataire spécial qui sera chargé de la concrétisation de l'acte ; par exemple, l'acceptation d'une succession ou la vente d'un bien immobilier).

 

Le choix de la personne qui exerce la mesure de protection

Une priorité donnée à la famille ou aux proches

Prioritairement la mesure est confiée à la famille ou à un proche de la personne à protéger (article 449 du Code Civil).

Il peut s'agir de :

- son conjoint, son partenaire de PACS ou son concubin

- un parent (père, mère, enfant, frère, sœur, neveu, nièce, cousin, cousine...) ou un allié (par exemple, un beau-frère, un gendre...)

- un proche (c'est à dire une personne entretenant des liens étroits et stables avec la personne à protéger).

Par dérogation, la désignation d’un mandataire professionnel

Le juge peut déroger à cette priorité en désignant un professionnel appelé mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM).

La désignation d'un professionnel MJPM dépend de la particularité de chaque situation.

Elle peut être envisagée par le juge des tutelles en référence à l'article 450 du Code Civil si :

- la personne à protéger ne souhaite pas qu'un membre de sa famille ou qu'un proche exerce sa mesure de protection

- aucun membre de la famille (ou aucun proche éventuel) ne souhaite être désigné

- la personne à protéger n'a pas de famille ni de proche

aucun membre de la famille ou proche n'a la capacité pour être désignée (par exemple, pour des raisons d'éloignement géographique ou pour des difficultés de compréhension du mandat et de ses obligations)

- des conflits familiaux nécessitent un exercice neutre de la mesure de protection en la confiant à un professionnel MJPM.

Les trois types de mandataires professionnels

Il existe trois types de professionnels mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) :

- les mandataire judiciaires exerçant au sein d'un service associatif 

- les mandataires judiciaires exerçant à titre privé (appelés encore MJPM indépendants)

- les mandataires judiciaires exerçant dans un établissement et portant le titre de "préposé d'établissement" (dans ce cas, la personne à protéger réside dans cet établissement ou un groupement d'établissements où intervient le préposé d'établissement, par exemple, un EHPAD ou un CHS).

Les mandataires judiciaires à la protection des personnes majeures doivent être agréés par la préfecture pour exercer leur profession (la liste de ces professionnels est régulièrement mise à jour et est consultable sur Internet).

Ils sont soumis à une obligation de formation professionnelle (Certificat National de Compétence) et à une prestation de serment devant le juge des tutelles.

Choix du mandataire exerçant la mesure de protection, bon à savoir 

- si la personne protégée est en capacité d'exprimer sa volonté quant au choix de la personne qui exercera son mandat de protection, le juge des tutelles peut prendre en compte sa demande mais à condition qu'elle soit compatible avec la protection de ses intérêts.

- le juge des tutelles peut difficilement imposer à la famille ou à un proche d'exercer un mandat de tutelle ou de curatelle contre leur volonté (ou un mandat spécial dans le cadre d'une sauvegarde de justice)

- il peut néanmoins les inciter à accepter cette mission en bénéficiant de l'aide de services aux tuteurs familiaux financés par l'Etat dans chaque département, ou avec l'aide de sites Internet spécialisés comme adultes-vulnerables.fr

- le juge des tutelles a également la possibilité de confier, dans un premier temps, la mesure de protection juridique à un professionnel MJPM, en précisant à la famille son souhait de la voir prendre le relais ensuite (par exemple, dans des situations où un certain nombre de démarches parfois complexes sont à mettre en œuvre, essentiellement au début de la mesure de protection).

La subrogation, le co-exercice, le conseil de famille ou le mandat ad hoc

La subrogation

Dans certaines situations et conformément à l'article 454 du Code Civil, le juge des tutelles peut désigner un subrogé tuteur ou un subrogé curateur (selon le type de mesure décidé).

Le rôle du subrogé est de vérifier les actes importants passés par le tuteur ou le curateur (celui-ci devant transmettre au subrogé le compte annuel de gestion qui fait apparaitre le détail des opérations effectuées pour la personne majeure protégée, pendant l'année écoulée).

Le subrogé peut signaler au juge des tutelles toute anomalie ou dysfonctionnement qu'il constaterait. Cette fonction de surveillance peut entraîner une forme de méfiance mais ce n'est pas son rôle, au contraire.

En effet, si le principe de la subrogation est bien accepté par les deux parties, cela permet d'éviter toute suspicion de malveillance ou de gestion intéressée. Elle peut favoriser une collaboration positive.

Pour les actes les plus importants, le tuteur ou le curateur informe et consulte le subrogé avant toute décision (par exemple, pour des dispositions à prendre au sujet du patrimoine ou de la protection de la personne protégée). 

Le co-exercice (co-tuteur ou co-curateur)

Le juge des tutelles peut assortir la protection des biens, de la personne majeure protégée, d’une protection de sa personne (cf. notre page consacrée à la protection de la personne et de ses biens). 

Dans cette hypothèse, le juge a la possibilité de désigner un co-tuteur ou un co-curateur. Ceux-ci exercerons le mandat de protection, soit des biens, soit de la personne, en lien avec l'autre co-tuteur ou co-curateur.

De façon pratique, le juge peut, par exemple, désigner un professionnel pour la protection des biens et un membre de la famille pour la protection de la personne (ou l'inverse, ou deux membres de la famille ou deux professionnels).

Cette dissociation des mandats est à l'appréciation du juge des tutelles. Par exemple, en cas de patrimoine important (ce qui évite au tuteur ou au curateur une mission trop lourde), en cas de relation plus privilégié avec un membre de la famille qui se verra alors confier la protection de la personne, en cas de conflits d'intérêts éventuels entre les deux fonctions, ou pour toute autre raison.

Il est souhaitable que les deux co-tuteurs ou les deux co-curateurs puissent collaborer de la meilleure façon, à chaque fois que cela est nécessaire. Celui qui est chargé de la protection des biens n'a pas à rendre compte de sa gestion, au sens de la justifier, à celui qui exerce la protection de la personne (sauf décision contraire apparaissant dans le jugement de tutelle ou de curatelle). Néanmoins, le partage des informations les plus importantes facilite, de fait, un meilleur exercice des deux mandats.

A noter : ce co-exercice peut également se réaliser pour l'ensemble du mandat, sans dissociation (par exemple, deux co-tuteurs se voient confier le mandat de protection des biens et celui de la protection de la personne ; ils l'exercent ensemble, sans distinction particulière).

Le conseil de famille

Le juge des tutelles peut désigner un conseil de famille, notamment quand la personne à protéger dispose d'un patrimoine très important et si elle relève d'une mesure de tutelle.

On utilise, dans ce cas, le terme de "tutelle complète".

Le conseil de famille doit être composé au minimum de quatre membres de la famille.

Il nomme, en son sein et lors de sa première réunion, le tuteur, voire un subrogé tuteur, et si la situation le nécessite (ou plus tard), un tuteur ad hoc.

Le conseil de famille est présidé par le juge des tutelles qui le réunit à chaque fois que cela lui semble nécessaire. 

Si un professionnel MJPM a été désigné, le conseil de famille peut être réuni en l'absence du juge des tutelles mais avec l'autorisation préalable de celui-ci. 

A noter : la désignation d'un conseil de famille reste exceptionnelle, notamment en raison des difficultés à le faire fonctionner pour le réunir. Cette désignation reste cependant à l’appréciation du juge des tutelles.

Le mandat had hoc

Dans l'hypothèse de conflit(s) d'intérêt(s) entre la personne qui exerce la mesure de protection et le majeur protégé, le juge des tutelles peut désigner un mandataire ad hoc.

C'est le cas, par exemple, pour un tuteur familial qui demanderait l'autorisation au juge des tutelles d'accepter la vente d'un bien en indivision dont il serait propriétaire avec son parent sous sa protection.

Le tuteur (ou le curateur) doit alors faire part au juge du conflit d'intérêt en lui adressant une requête aux fins de désigner un tuteur (ou un curateur) ad hoc. 

De façon pratique, le juge peut désigner un membre de la famille, un proche ou un professionnel mandataire judiciaire pour exercer le mandat ad hoc.

Si un subrogé tuteur ou un subrogé curateur a été désigné, le mandat ad hoc n'a pas forcément lieu d'être sauf si le subrogé est lui-même impliqué dans le conflit d'intérêt.  Avec l'accord du juge des tutelles, le subrogé prend alors le relais pour assurer l'assistance (en curatelle) ou la représentation (en tutelle) dans l'acte posant un conflit d'intérêt entre le majeur protégé et son représentant légal. Toutefois, il revient au juge des tutelles d'apprécier la désignation d'un mandataire ad hoc même en présence d'un subrogé. 

 

La notification et la publicité du jugement rendu

La notification du jugement de protection juridique 

Le tribunal judiciaire (ou le tribunal de proximité) notifie son jugement par lettre recommandé avec accusé de réception :

- à la personne protégée

- à la personne chargée d'exercer le mandat qui lui est confié. 

Le juge des tutelles peut également demander que la notification soit adressée à toute personne concernée par le jugement - s'il s'agit d'une curatelle ou d'une tutelle - ou par l'ordonnance – s’il s’agit d’une sauvegarde de justice.

Par exemple, si un des membres de la famille est à l'origine de la demande et que l'ensemble de la famille a été entendue, le juge leur notifie sa décision. Egalement, aux personnes titulaires de procurations sur les comptes bancaires de la personne protégée ou celles susceptibles d'exercer des recours contre la décision (cf. article 1230 du Code de Procédure Civile). 

Si, en raison de son état de santé, la personne protégée peut être très perturbée par la notification de sa mise sous protection ou ne pas en comprendre le sens, le juge des tutelles peut décider qu'elle ne sera pas directement destinataire de la notification (à défaut, à son éventuel avocat ou à son tuteur, à son curateur ou à son mandataire spécial).

Le procureur de la République est systématiquement avisé de la mise sous protection juridique d'une personne majeure.

Important : la notification est toujours accompagnée d'un récépissé à retourner dans un délai maximum de 15 jours au greffe des tutelles. A défaut de retour de ce récépissé, les voies de recours ne peuvent être exercées (la personne faisant appel du jugement ou de l'ordonnance doit pouvoir justifier qu'elle a bien été informée de la décision du juge des tutelles par la voie de cette notification officielle).

A noter : la mise sous sauvegarde de justice fait l’objet d’une ordonnance et non d’un jugement. La notification de l’ordonnance se réalise de la même façon que pour un jugement.

La publicité du jugement de protection juridique  

Une fois prononcée, la mesure de protection est inscrite sur le Répertoire Civil du tribunal compétent (il s’agit d’un registre où sont mentionnés l’ensemble des actes et jugements liés à l’état civil et apparaissant sous la mention RC des actes de naissance).

Cela permet de rendre cette décision "opposable aux tiers" (après un délai de deux mois). 

En d’autres termes, cette procédure d'enregistrement permet d'officialiser la décision du juge des tutelles et de la rendre incontestable.

Toutefois, ce délai de deux mois ne s’applique pas aux tiers qui ont personnellement connaissance de la mesure (en ayant été destinataires du jugement ou de l'ordonnance rendue).

L’inscription des mesures au Répertoire Civil selon les mesures de protection :

- tutelle ou curatelle : le jugement est mentionné au Répertoire Civil du tribunal judiciaire afin d'apparaitre en marge de l'acte de naissance de la personne protégée. Une copie de cet extrait peut être délivrée selon les conditions fixées par l'article 1061 du Code de Procédure Civile.

sauvegarde de justice : la mention de l'ordonnance apparaît uniquement sur un répertoire spécial tenu par le procureur de la République (article L.3211-6 du Code de la Santé Publique). 

- habilitation familiale générale en représentation ou en assistance : mêmes modalités qu’en tutelle ou curatelle

- habilitation familiale limitée : aucune mention au Répertoire Civil

- habilitation entre époux : aucune mention au Répertoire Civil

- mandat de protection future pour soi ou pour autrui à leurs activations : aucune mention au Répertoire Civil

Les recours contre la décision du juge des tutelles

La possibilité de recours contre la décision du juge des tutelles

Le jugement rendu par le juge des tutelles est toujours susceptible de recours.

Cependant, aucun recours n'est possible contre une décision de sauvegarde de justice, ce type de mesure ne modifiant pas les droits de la personne (sauf si un mandataire spécial est désigné, le recours ne pouvant porter que sur ce point).

Attention : le délai pour faire appel n'est que de 15 jours à compter de la réception de la notification du jugement de tutelle ou de curatelle (ou de l'ordonnance de sauvegarde de justice avec mandat spécial).

Pour quels raisons faire un recours contre la décision du juge des tutelles ?

Le recours contre la décision du juge des tutelles peut porter :

- sur la mise sous protection

- sur la non-mise sous protection

- sur la nature de la mesure de protection 

- sur la désignation de la personne chargée d'exercer la mesure de protection.

Les recours pendant la mesure de protection

Pendant la mesure de protection, et suite à une décision du juge des tutelles, les recours pourront porter :

- sur le refus de lever la mesure de protection (demande de mainlevée)

- sur le refus d'alléger la mesure ou de la renforcer

- sur le refus de changement de mandataire (ou le refus de son maintien si le juge désigne un nouveau mandataire).

Pour davantage d'informations à ce sujet, vous pouvez consulter notre page sur les recours contre la décision du juge des tutelles.

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