Le vice de consentement
Le principe du consentement pour valider un acte juridique (par exemple, accepter un contrat commercial) est une notion essentielle en droit.
Le consentement suppose, en effet, que la personne affiche une volonté éclairée lors de l'acceptation de l'acte. Elle doit donc être autonome dans son choix.
Or, la particularité des adultes vulnérables (qu'ils soient placés ou non sous protection juridique), est que ces personnes se caractérisent, principalement, par une altération de leur autonomie, et ceci, de façon plus ou moins importante.
L'acceptation d'un acte juridique par un adulte vulnérable peut donc être entachée du constat que sa volonté n'était pas réellement affirmée lors de la conclusion de l'acte. Qu'en conséquence, cet acte pouvait être contraire à ses intérêts (soit parce que la diminution de ses facultés ne lui permettait pas d'en apprécier pleinement les conséquences, soit parce que l'influence d'un tiers contraignait son jugement, soit pour ces deux motifs).
Le droit qualifie de "vices de consentement" ces situations où l'acceptation d'un acte juridique peut être remise en cause faute d'un accord véritablement éclairé ou accepté de la personne vulnérable.
On distingue trois types de vices de consentement : par l'erreur, par le dol et par la violence.
A noter : obtenir l'accord d'une personne majeure protégée par vice de consentement est une circonstance agravante sur le plan pénal.
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Généralités sur le vice de consentement
Le vice de consentement, c’est quoi ?
La conclusion d'un acte juridique, quand elle se déroule dans un contexte normal, engage les deux parties.
Si l'une d'elle ne respecte pas ses engagements, elle peut-être condamnée (par exemple, dans le cadre d'une transaction commerciale, l'acheteur ne verse pas au vendeur la totalité des sommes dues, ou le vendeur ne fournit pas à son client la prestation ou l'objet acheté dans les conditions prévues).
« Tout contrat, pour être valable, nécessite le consentement des parties, leur capacité à contracter, et un contenu clair et autorisé par la loi » (article 1128 du Code Civil).
C'est justement sur la question du consentement et de la capacité à contracter que des problèmes peuvent se poser pour les adultes vulnérables :
- le consentement signifie le fait d'accepter. Il sous-entend l'autonomie de la personne dans son choix. Or, les adultes souffrant de vulnérabilité sont exposés à un manque de clairvoyance plus ou moins important, ou variable, dans leurs décisions.
- la capacité est également un aspect central de la vulnérabilité des adultes.
- s'ils bénéficient d'une mesure de protection juridique (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle ou un régime d'habilitation familiale ou entre époux), leur capacité juridique est limitée et les actes posés peuvent être remis en cause s'ils ne sont pas conformes à leurs intérêts (cf. pour chacune des ces mesures de protection, nos paragraphes consacrés aux litiges).
- pour les adultes vulnérables qui ne sont pas placés sous protection juridique, leurs capacités à contracter peut être sujette à caution (par exemple, une personne âgée fragilisée par la maladie n'appréciera pas forcément le montant de travaux dans son logement du fait de sa confusion entre les francs et les euros pour des sommes importantes).
Sur le point du "contenu clair et autorisé par la loi", un adulte vulnérable pourra éprouver des difficultés à bien comprendre la signification et les conséquences des clauses contractuelles d'un engagement. D'autant plus, si la lecture de ces clauses posent des difficultés d'interprétation, y compris pour une personne "saine d'esprit" (en référence à l'article 414-1 du Code Civil).
Pour cette raison, la loi prévoit la possibilité qu'un acte juridique soit annulé pour vice de consentement (article 901 du Code Civil).
Le vice de consentement peut exister dans trois situations : l'erreur, le dol et la violence (voir nos paragraphes suivants).
A noter : il ne pas confondre l'annulation d'un acte juridique pour vice de consentement avec l'annulation d'un acte juridique pour trouble mental et la plainte pour abus de faiblesse (même si des points communs existent entre ces procédures).
Le vice de consentement et délai de rétractation
Le « délai de rétractation » est une autre disposition permettant de remettre en cause un achat (pour un bien ou pour une demande de prestation).
Faire valoir ce délai de rétractation n’implique pas qu’il y ait eu nécessairement un vice de consentement mais il peut concerner plus particulièrement les adultes vulnérables.
- le délai de rétractation est, en général, de 14 jours mais il ne concerne pas certains domaines, sauf geste commercial, comme par exemple, l'achat dans un magasin ou dans une foire. Le délai de 14 jours entre en vigueur à la signature du contrat ou à la réception du bien. Le délai de rétractation s'applique notamment pour la vente à distance et pour les démarchages à domicile
- l'annulation d'un contrat se réalise par lettre recommandé, et s'il s'agit d'un bien, en remettant ou en renvoyant celui-ci à son vendeur (sans avoir à justifier le motif de la rétractation).
- le délai de rétractation est prolongé à 12 mois si le vendeur n'a pas informé son client de son droit à se rétracter. Le vendeur est alors tenu de rembourser à son client les sommes versées (y compris celles liées au frais de livraison). En cas de manquement à ses obligations, il peut être condamné à verser des dommages et intérêts.
- pour connaitre de façon précise les délais de réflexion et de rétractation selon les domaines d'activité, l'INC (Institut National de la Consommation) met en ligne un tableau très complet sur son site.
Le vice de consentement par l'erreur
On parle d'erreur, en matière de vice du consentement, si la qualité de la prestation ou de l'objet acheté n'est pas conforme à celle attendue.
Néanmoins, cela doit être assortie d'une volonté manifeste du prestataire ou du vendeur de dissimuler cette erreur sur la qualité attendue. Autrement dit, et dans ce cas, la personne a signé un contrat en pensant obtenir un service ou un bien, qui ne correspond pas, au final, à la réalité qu'elle s'en faisait.
Il peut s'agir d'une erreur sur la personne : par exemple, le prestataire n'a pas les qualifications requises pour réaliser ce qui a été convenu alors qu'il prétendait en être capable.
Il peut s'agir d'une erreur sur l'objet (ou le bien) et sa qualité (la "substance" en droit) : l'objet ou le bien acheté ne correspond pas à celui prévu. Par exemple, un canapé en simili cuir prétendu être en cuir, un terrain constructible qui s'avère ne pas l'être, des vins qualifiés de grand cru et qui ne le sont pas, une œuvre d'art a priori authentique et qui est un faux...
Il peut s'agir également d'une erreur sur la nature du contrat : par exemple, un contrat est présenté comme étant une location alors qu'il s'agit, au final, d'un achat.
Les adultes vulnérables peuvent être directement concernés par ces situations de vice de consentement par l'erreur. Du fait de leur difficultés à apprécier clairement le contenu d'une transaction. Ou parce que des personnes mal-intentionnées peuvent profiter de leur manque de vigilance pour obtenir leur consentement à un achat comportant des erreurs.
Le vice de consentement par le dol
Le dol consiste en des manœuvres frauduleuses d'une personne (ou de plusieurs personnes) pour obtenir le consentement d'une autre personne à un acte qu'elle n'aurait pas accepté si elle en avait connu, véritablement, les tenants et les aboutissants.
Le dol conduit à un préjudice pour la victime, sur la base d'une démarche volontaire de nuire, de la part de son ou de ses auteur(s).
Escroqueries, manipulations, mensonges, tromperies, dissimulations, manœuvres de mise en scène, sont les moyens les plus souvent utilisés par les auteurs d'un vice de consentement par le dol.
On peut citer, à titre d'exemples :
- la location d'une résidence de vacances qui n'existe pas (les locataires ne le constatent que sur place et après avoir payé, à l'avance, les sommes dues au prétendu propriétaire)
- la falsification d'un compteur kilométrique pour la vente d'un véhicule d'occasion
- des contacts par messagerie électronique ou par Internet afin de créer un lien affectif ou amoureux avec une personne, afin d'obtenir d'elle le versement de sommes parfois très conséquentes (au prétexte de demander des aides financières qui ne lui seront jamais remboursées).
Si ces vices de consentement par le dol peuvent concerner quiconque, ils touchent plus particulièrement les adultes vulnérables.
Pour les auteurs de dol, les personnes vulnérables sont des victimes faciles car souvent crédules. Leur manque de discernement, la quête affective liée à la solitude ou à l'isolement, l'absence de vigilance dans la compréhension des enjeux de la situation, conduisent ces personnes fragilisées par la maladie ou le handicap à consentir à des actes qui finalement leur porteront préjudice, tant sur le plan matériel que psychologique.
Le vice de consentement par la violence
L'auteur de ce type d’acte utilise des moyens violents pour obtenir, sous la contrainte, l'accord de sa victime.
Par exemple, l'auteur menace de la frapper ou de s'en prendre à ses proches, elle l'intimide en exerçant un chantage sur elle, ou encore, l'auteur la met dans une situation de dépendance telle que la victime finit par accepter la demande qui lui est faite.
Le vice de consentement par la violence peut se traduire :
- par de la violence morale : pressions psychologiques, menaces, chantages, harcèlements, comportements tyranniques...
- par de la violence physique : de la main forcée pour signer un contrat à des maltraitances corporelles ou sexuelles
- par de la violence matérielle : par exemple, placer volontairement une personne en situation de précarité financière pour obtenir d'elle sa signature à un acte.
Comme pour le vice de consentement par l'erreur ou le dol, le vice de consentement par la violence peut toucher plus particulièrement un adulte vulnérable.
Sa fragilité psychologique, la diminution de ses facultés et ses difficultés à se défendre peuvent malheureusement faciliter ces actes de violence à son encontre, des actes gravement répréhensibles par la loi.
L'annulation d'un acte juridique pour vice de consentement
L'action en justice pour vice de consentement
Le vice de consentement (par l'erreur, le dol ou la violence) est un motif de nullité d'un contrat (article 1131 du Code Civil).
Pour entamer une action en justice, le tribunal judiciaire doit être saisi (voire le tribunal de proximité si le montant du préjudice est inférieur à 10 000 euros et à la condition qu'il soit géographiquement compétent).
Devant le tribunal judiciaire, l'assistance d'un avocat est obligatoire si le montant du préjudice est supérieur à 10 000 euros.
Cependant, la preuve n'étant pas toujours aisée à apporter dans ce type de procédure, il peut être conseillé de faire appel dans toutes les situations à un avocat, mais surtout en cas de vice de consentement par l'erreur (celle-ci peut être, en effet, invoquée de façon excessive devant le tribunal : ne relève-elle pas d'un manque de vigilance du contractant ou de son insatisfaction après-coup ?).
Pour les adultes vulnérables, les tribunaux sont particulièrement attentifs aux situations de vice de consentement, notamment en cas de violence. Les peines peuvent être aggravées pour son auteur ainsi que le montant des dommages et intérêts à verser à la victime.
Délais d'action en justice pour vice de consentement
Les délais pour agir en justice sont de cinq ans :
- pour le vice de consentement par l'erreur ou par le dol : à partir de la date où les faits ont été mis à jour
- pour le vice de consentement par violence : à partir de la date où les faits ont cessés (article 1144 du Code Civil).
Les sanctions prévues en cas de vice de consentement
En cas de vice de consentement, les sanctions possibles sont :
- la nullité de l'acte
- le versement de dommages et intérêts au titre du préjudice que la victime a subi
Sur le plan pénal, les peines varient selon la gravité de l'acte (par exemple, les sanctions ne seront pas les mêmes s'il s'agit, pour l'auteur, d'avoir obtenu le consentement de sa victime par malhonnêteté commerciale ou par de graves violences physiques).
Vice de consentement et personnes majeures protégées
Pour les personnes placées sous protection juridique (tutelle, curatelle et sous sauvegarde de justice) ou bénéficiant d’une mesure d’habilitation familiale, l’annulation de l’acte est prévue par les articles suivants :
- tutelle et curatelle : article 465 du Code Civil
- sauvegarde de justice : article 435 du Code Civil
- habilitation familiale : article 494-9 du Code Civil
Sur le plan pénal, obtenir le vice de consentement d’une personne majeure protégée est une circonstance aggravante en raison de l’altération de ses facultés et donc de sa très grande vulnérabilité.
Textes de référence
Sur le contrat : articles 1101 à 1111-1 du Code Civil
Sur les personnes majeures protégées et les contrats : article 1146 du Code Civil
Sur la possibilité de se rétracter après la signature d'un contrat ou l'achat d'un bien : article 1122 du Code Civil
Sur la nullité d'un contrat pour vice de consentement : article 1131 du Code Civil
Sur le vice de consentement par erreur : articles 1132, 1133 et 1134 du Code Civil
Sur le vice de consentement par le dol : articles 1137, 1138 et 1139 du Code Civil
Sur le vice de consentement par la violence: articles 1140, 1141, 1142 et 1143 du Code Civil
Sur les délais d'action en nullité pour les vices de consentement : article 1144 du Code Civil
Sur l’annulation d’un acte en tutelle et curatelle : article 465 du Code Civil
Sur l’annulation d’un acte en sauvegarde de justice : article 435 du Code Civil
Sur l’annulation d’un acte en habilitation familiale : article 494-9 du Code Civil
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